Récit de voyage à Onomichi



 Quand on parle de route incontournable lorsqu’on visite l'ouest du Japon, l’itinéraire Kyoto-Himeji-Hiroshima (Miyajima) est certainement le chemin incontournable, et bien sûr quiconque ne l’a pas encore emprunté doit absolument le faire au moins une fois. S’il s’agit d’une deuxième fois, où si vous préférez sortir des sentiers battus, il existe de nombreux endroits aux alentours de cette route que vous devriez visiter. Cette fois, je vais donc vous présenter l'un de ces nombreux spots, Onomichi.
On donne à la ville de nombreux surnoms tels que La ville en pente, La ville de la littérature, La ville des chats ou encore La ville du cinéma. Elle a récemment regagné en popularité notamment grâce aux cyclistes de la route Shimanami Kaido dont elle marque le départ ou la fin selon le sens emprunté. 
Quand je suis descendu du train, j'ai directement senti l'odeur de l’aigue marine et l'ambiance rétro de la ville. La longue rue commerçante qui s'étend comme l'épine dorsale d'Onomichi, entre les montagnes et la mer, continue sur plus de 1 km, ce qui en fait le passage couvert le plus long du Japon et un des sites touristiques principaux de la ville. Il y a un mélange de magasins à la mode relativement nouveaux et de vieilles boutiques. Les échoppes de souvenirs et les cafés élégants se construisent à l’intérieur d’anciens bâtiments, et l'atmosphère de la rue commerçante en elle-même est retro. Les magasins de ramen d'Onomichi, qui ont gagné en popularité ces dernières années, jalonnent la rue. Malheureusement, le Shukaen, le restaurant qui a donné naissance à l’Onomichi ramen, situé le long de la rue Yakushido-dori, non loin de la rue commerçante principale, a fermé ses portes en juin 2019.
En me promenant dans les rues commerçantes d'Onomichi, je me suis dirigé vers les montagnes. Onomichi a tellement de temples construits dans ses hauteurs qu'on l’appelle parfois Petite Kyoto de l’Ouest, et un sentier longeant les anciens temples a été aménagé
J’ai commencé avec le temple Kairyu-ji à l'extrémité ouest, puis continué vers le plus ancien temple d'Onomichi, le Jodo-ji qui aurait une histoire de plus de 1400 ans, puis le le Saigo-ji la plus ancienne structure architecturale de la secte bouddhiste Ji-shu, et enfin le Shonenji dont la source d’eau étendrait la vie de celui qui la boit. 
Après cela, je me suis dirigé vers le Saikoku-ji, l’attraction principale de l'ancien chemin des temples. Ce dernier est le plus grand temple parmi ceux d'Onomichi et est le siège de l'école Daigo de la secte Shingon. On est instantanément subjugué par les immenses sandales de Buddha et la superbe sculpture de Nio, l’un des gardiens des portes des temples, accrochées au Niomon, la première chose qu’aperçoit le visiteur. Il y a des tengus (créatures du folklore japonais) en pierre, appelé Omokaru Tengu, sur la droite après avoir franchi la porte principale du Kongo-in. On dit que si on les soulève légèrement, notre voeu se réalisera. De plus, au point culminant du temple se trouvent le Kondo et une pagode de trois étages, qui ont été construits il y a plus de 600 ans, et sont désignés comme biens culturels importants du Japon
La porte de Niomon et les sandales géantes
En descendant les longs escaliers au fil des ruelles étroites d’Onomichi, je suis tombé sur un chat se reposant tranquillement à l'ombre. En effet, le port de pêche d’Onomichi, avec son abondance de toutes sortes de nourriture et surtout de poisson, puisqu’il est un port de pêche depuis les temps anciens, a attiré un grand nombre de chats qui se promène ici et là dans la ville. Si le nombre de chats sauvages est en baisse, les chats domestiques se promènent tout aussi librement à Onomichi que leurs confrères. Peut-être plus librement que moi, qui subit les 30 degrés de l’air chaud de la ville de plein fouet.
Un chat d
En pensant à ces chats allongé sur le sol brûlant, je me dis qu’il est temps de prendre une pause déjeuner. Je décide donc d’aller me remplir l’estomac en redescendant dans le centre ville. En marchant, je passe devant le sanctuaire Misode Hachimangu et j’entend la conversation d’un groupe de personne qui dit que c’est un lieu de tournage très populaire. En vérifiant rapidement, je me rends que c’est l’endroit où les deux personnages principaux de Tenkosei (1982), film très célèbre au Japon du réalisateur Nobuhiko Obayashi, échangent leurs personnalités après une chute. Même si ce n’était qu’une coïncidence, je n’arrive plus à m'empêcher de penser à cette scène du film, et c’est tout ému que je continue ma route.
J’étais décidé à aller manger un Okonomiyaki. Bien sûr, j’avais aussi penser à manger un des Onomichi Ramen dont la popularité a explosé récemment, mais le désir d’un Hiroshima-yaki, nourriture traditionnelle aimée par la population locale depuis les temps anciens, l’a emporté sur l’envie de goûter à la nouveauté du moment. Je vais donc à Kagi masa, un restaurant d’okonomiyaki populaire de la ville, dans une petite ruelle. Comme prévu, le restaurant regorge de locaux, et l'okonomiyaki façon Hiroshima, préparé par la jolie propriétaire, est exquis. L’atmosphère chaleureuse m’a permis d’être bien détendu et, après avoir résisté à la tentation d’une deuxième bière, je me décide à retourner faire le tour des temples. 
Okonomiyaki
Comme le temps commençait à filer, j’ai pris un raccourci en empruntant le funiculaire, appelé Senkoji Ropeway, plutôt que de remonter à pied. Avant d’arriver jusqu’à la plateforme d’embarquement, attiré par un torii (porte à l’entrée des sanctuaires shinto) à l’apparence intrigante, je décide de faire un petit détour. Le chemin court et étroit m’amène jusqu’au plus vieux sanctuaire shinto d’Onomichi, Ushitora-Jinja. Encore une fois, cet endroit me revient, il est lui aussi le lieu d’une scène d’un film de Nobuhiko Obayashi, The Little Girl Who Conquered Time (1983), qui fait parti de sa trilogie d’Onomichi, avec Tenkosei cité plus tôt et Lonely Heart (1985). Entouré de camphriers désignés comme monuments naturels nationaux, on ressent assez bien dans ce sanctuaire l’atmosphère spirituelle du lieu.
Le sanctuaire de Ushitora-jinja
Il ne faut que 3 minutes pour atteindre le parc Senkoji au sommet de Senkojiyama en téléphérique. Depuis le sommet, vous pouvez voir les rues d'Onomichi qui s'étendent le long de la mer, Mukojima, la première île de la route Shimanami Kaido, et le reste des îles qui se dessinent au loin. 2500 cerisiers sont plantés dans le parc et ce dernier a donc été sélectionné comme l'un des 100 meilleurs spots pour observer les fleurs de cerisier. Le musée municipal d'art d'Onomichi, conçu par Tadao Ando, expose des œuvres liées à la ville.
Depuis le belvédère, on peut retourner dans le centre par le téléphérique, mais il vaut mieux descendre doucement en flânant dans le chemin de la littérature. Onomichi a non seulement été le berceau de nombreux écrivains et artistes tels que Fumiko Hayashi et Nobuhiko Obayashi, mais de nombreuses célébrités y ont également déménagé, comme Naoya Shiga et Kenkichi Nakamura. Le chemin de la littérature est une promenade où les les textes de 25 littéraires connectés à Onomichi sont parsemés, écrits sur des pierres, et en descendant, on finit par atteindre le temple Senkoji.
Le temple Senkoji, qui a été fondé il y a 1200 ans, est certainement le plus représentatif d'Onomichi. Le hall principal et le clocher peints en rouge qui se dressent sur la falaise dans le mont Senkoji sont dignes d’être le symbole de la ville, et la vue qu’offre le lieu est tout simplement superbe.
Parmi les grands et petits mégalithes entourant le sanctuaire principal, il y a le rocher Tama qui est à l'origine du nom du temple Senkoji, en effet cette pierre aurait selon la légende émis de la lumière dans le passé, et c’est aujourd’hui une lumière artificielle qui l’éclaire. On peut aussi y voir un rocher miroir qui est censé refléter la lumière, et la zone rocheuse derrière le hall principal s'appelle Kusariyama. Le temple propose aussi de faire l’expérience rapide d’un entraînement de moine pour 100¥ en escaladant des rochers à l’aide de chaînes. Cela ne prend que dix minutes environ et ne nécessite pas une grande force physique mais certains endroits sont un peu dangereux et c’est à mes risques et périls que je m’y suis aventuré. 
Je continue ensuite ma descente vers la ville tout en profitant du paysage qui se dévoile sous mes yeux. En cours de route, il y a plusieurs lieux remarquables tels que la pagode à trois étages ou encore le chemin des chats. Le chemin des temples continue encore, mais, fatigué, je préfère aller prendre une bière chez AOI Soraku, un café donnant sur la pagode de trois étages et le détroit d’Onomichi. Et c’est ici que j’ai abandonné ma marche de la journée. Enfin, je me suis octroyé comme récompense une crème glacée pour féliciter mon corps fatigué chez Karasawa, un glacier local en bord de mer.
Même si cela faisait longtemps que je voulais visiter Onomichi, je pensais pouvoir en venir à bout en une demi-journée, grosse erreur. De l’histoire, des vues splendides, de la bonne nourriture, Onomichi regorge de charme. L’atmosphère de la ville garde un côté rustique, peu touristique, et les locaux parlent avec franchise et abordent souvent une attitude accueillante. L’ambiance retro de la ville m’a rempli d’une douce nostalgie… La ville est à la fois mystérieuse et attirante, presque envoutante. Aucune surprise que tant d’écrivains et artistes y ai trouvé une source d’inspiration.